Les petites erreurs

Lorsqu’en 532 de notre ère, le géomètre et mathématicien Isidore de Milet fut chargé par l’Empereur Justinien d’ériger une somptueuse cathédrale à Constantinople, celui-ci s’inspira du Panthéon de Rome et de l’art chrétien primitif d’occident pour créer ce qui allait devenir un joyau d’architecture byzantine. L’aspect monumental de l’édifice, de même que le faste attribué à son ornementation lui permirent de rayonner à travers les siècles. Cependant Isidore de Milet, mal inspiré sans doute par son associé Anthémius de Talles (dont les choix en matière de décoration intérieure étaient selon toute vraisemblance à dégobiller), décida de recouvrir certaines colonnes de crépi. Oui, de crépi ! Mais en dépit de cette terrible faute de goût, Sainte-Sophie demeure aujourd’hui encore pour les croyants l’un des grands symboles mondiaux de la sagesse divine. De la même manière, il fallut à Velázquez pas moins de huit longues années pour parachever son tableau La Reine Isabelle de France à cheval (1628-1636), chef-d’œuvre destiné à rejoindre les portraits d’illustres ancêtres Bourbons déjà exposés au Salon des Royaumes du Palais du Buen Retiro de Madrid ! Si la composition générale frappe par la qualité de ses détails et le soin méticuleux apporté au plissé de la longue robe brodée d’or, l’on est en droit de réprouver la décision que prit l’artiste d’affubler la pauvre monarque de la même coiffure que le chanteur Ringo. Il eut été néanmoins absurde de dénigrer par la suite l’ouvrage pour une peccadille d’ordre capillaire, surtout que, comme l’on sait, les modes passent ! Et c’est aujourd’hui une reine au look farouchement  inattaquable  qui trône fièrement sur sa monture au musée du Prado depuis son inauguration en 1819 ! Ardent interprète des lieder de son ami Franz Schubert, Johann Michael Vogl se rendit un jour dans la fastueuse demeure de Marie-Léopoldine d’Autriche afin d’y donner un récital en son honneur. De nombreux membres de la famille impériale et quelques privilégiés vinrent assister à cet instant musical unique et se délecter du timbre soyeux que la providence avait accordé au prodigieux baryton Ennsdorfois. Mais soudain, alors que le tour de chant avait débuté vingt-cinq minutes plus tôt, l’artiste s’interrompit sans crier gare, lécha la paume de sa propre main gauche qu’il glissa ensuite sous son aisselle droite avant qu’une pression exercée à l’aide du bras ne lui permette de libérer instantanément un bruit des plus inconvenants. Manifestement satisfait du trouble occasionné, il reprit sereinement le dernier couplet de Des Mädchens Klage, obtenant par le simple magnétisme de sa voix l’attention encore accrue d’un auditoire momentanément frappé de sidération mais comme transmué à jamais par les sortilèges de ce don irréel.

Voilà. Alors oui, effectivement, Albert Ferber se permet un arpège superflu et désuet au début des Danseuses de Delphes. Doit-on pour autant dénigrer INTEGRALEMENT ses Préludes de Debussy, enregistrement fabuleux qui ne souffre à mon sens d’aucune concurrence ? Je ne le crois pas.

K.

P.s : CQFD. Donc, plus la peine de me saouler avec cette histoire d’arpège malheureux matin, midi et soir, Monsieur Skaloviobnflude !

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